Clore le Champ-de-Mars ? Éléments de réflexion
Perpendiculaire à la Seine depuis l’École militaire, le Champ-de-Mars n’est pas dissociable de la grande perspective reliant le Trocadéro à la place de Breteuil. Seconde grande perspective de Paris (3 km) qui depuis la colline de Chaillot, a inspiré les urbanistes à travers les siècles. On ne peut que prendre acte de cette appartenance.
Le belvédère du Trocadéro invite tout naturellement à un parcours, mêlant jardins, franchissement de la Seine et vue sur trois monuments parisiens majeurs
Le Champ-de-Mars se trouve aujourd’hui plus ou moins tronçonné et la promenade contrariée. L’enceinte de sécurité de la Tour Eiffel est un premier obstacle. Au centre du parc, la place Jacques Rueff et ses prolongements sont durablement (2 mois par an) occupés par des événements (Jumping notamment). Enfin, le Grand Palais éphémère occupe la partie centrale du Plateau Joffre. Pour n’évoquer que les emprises principales.
Il en résulte une réduction drastique d'un espace qui a vocation de promenade et de parc public.
D’une extrémité à l’autre la fréquentation est très différente : essentiellement touristique aux abords de la Tour Eiffel, elle est plus parisienne et familiale dans la partie Sud
La Tour Eiffel, monument universellement connu, attire des millions de visiteurs. Des flux qui concourent à la notoriété de Paris et à son économie.
Emblématique, la tour est néanmoins saturée et les projections de fréquentation pour les années à venir imposent de la maîtriser par des mesures radicales.
Spectacle de jour comme de nuit, la Tour Eiffel oblige à en permettre l’accès et l’accueil dans des conditions aisées et décentes.
L'École Militaire, édifice important du patrimoine, n’a d’autre fonction aujourd’hui que de borner le parc. Le défaut de considération à sa façade a permis la construction du Grand Palais éphémère et avant lui, la tenue permanente de manifestations les plus diverses. Le trafic automobile dense et à grande vitesse sur l’avenue de La Motte-Picquet interdit tout recul pour contempler l’édifice. La possibilité de le traverser a pourtant été envisagée permettant de découvrir la cour d'honneur et la façade Sud.
Avec ses voies traversantes, le Champ-de-Mars assure un transit essentiel entre deux arrondissements : piétonnier, automobile, autobus.
Si le Champ-de-Mars se trouve sur le VII° arrondissement, il est mitoyen du XV°. Sa configuration exprime la volonté de ses concepteurs d’établir un lien utile entre deux arrondissements dont la sociologie diffère très sensiblement.
D’une manière générale, les jardins parisiens sont clos et fermés la nuit. Si le Champ-de-Mars fait figure d’exception, il n’est toutefois pas le seul : Champs-Elysées, Ranelagh, les berges. Son dispositif réglementaire doit être fonction de la spécificité de ses pratiques.
Si le Champ-de-Mars doit prendre en compte certaines demandes contemporaines, il doit néanmoins conserver son essence de parc public au sein de l'ensemble bâti qui l’entoure dont il n’est pas dissociable. De nouvelles fragmentations s’inscriraient en contradiction manifeste avec cette vision. Dans le cadre de la révision en cours du PLU qui pour quinze ans figera les règles d’urbanisme de Paris, il a précisément été demandé d’inscrire en PVP (Patrimoine Ville de Paris) l’ensemble bâti délimité par les avenues bordant le parc (Charles Floquet, Emile Deschanel et leurs prolongements)
S’il fallait clore, Incidences et questions.
- Le périmètre devrait-il être maximum, au droit des allées cavalières ?
- Faudrait-il maintenir des traversantes, en créant alors plusieurs enceintes ?
- Dans l’affirmative, l’homogénéité du parc s’en trouverait manifestement compromise.
- Quels horaires de fermeture ?
- Compatibilité avec la célébration traditionnelle du 14 juillet ?
- Le gain obtenu en termes de sécurité le serait au prix de sévères restrictions de jouissance pour les promeneurs.
- Le régime particulier incontournable qu’il faudra réserver à la zone de la Tour Eiffel contribuerait aussi à briser l’unité du parc, à instituer un ghetto touristique au détriment de la convivialité générale.
- Une clôture ne ferait que repousser à sa périphérie sur les rues avoisinantes, les pratiques commerciales illégales. Le mur de sécurité de la tour est probant à cet égard.
- Les solutions purement techniques (clôtures et grilles), ne doivent pas éluder le recours aux moyens humains (gardiennage, surveillance, police) dont la Ville ne pourra faire longtemps l’économie pour peu qu’elle prétende conserver son rang de première destination touristique. Suffisamment d’exemples à l’étranger témoignent du bien-fondé de leur emploi.
- La Ville ne doit pas renoncer à amender les comportements. Sur ce plan-là aussi, les exemples à l’étranger montrent la voie à suivre. Une discipline assortie de sanctions s’avère incontournable. Le laxisme généralisé met déjà en question l’attractivité de Paris.